Comme j'avais laissé la configuration de matériel utilisée pour photographier hier soir la comète 12P Pons-Brooks passant près de la nébuleuse du croissant (NGC6888), j'en ai profité ce matin pour en faire quelques clichés de jour pour illustrer le montage utilisé en astrophoto "au foyer" (appareil/caméra placé au foyer d'un instrument) :
La configuration que j'ai laissé cette nuit sur le terrain (voir plus loin pour savoir pourquoi) car jugée trop lourde pour être rentrée toute montée dans le garage pour la nuit. J'ai mis un sac de protection au cas improbable où il aurait plu mais ça l'a surtout protégé du brouillard givrant.
On voit bien que les partie non-protégées ont été couvertes de givre.
Voilà la configuration complète une fois le sac retiré. Par rapport à l'utilisation nocturne, il manque deux éléments : la batterie pour alimenter la monture motorisée (via le fil noir et rouge) et le parebuée monté sur le télescope pour éviter la formation de buée (ou de givre) sur la lame d'entrée du télescope.
Vue plus rapprochée du montage télescope-APN (Appareil Photo Numérique).
Idem en gros plan.
Idem "légendé". Explications : la monture motorisée est indispensable pour assurer le suivi des objets pendant la durée des poses (compensation de la rotation de la Terre) ; le réducteur de focale permet de ramener le rapport F/D du Schmidt-Cassegrain peu adapté à la photo (10) à une valeur plus acceptable (6.3) ; le porte-oculaire 2" (50mm) est plus adapté au format du capteur de l'APN (24x36mm) que le système d'origine du télescope (31.75mm), pour le montage des APN sur les télescopes la "norme" T2 (filetage de 42mm) s'est imposée depuis longtemps et on trouve des bague d'adaptation pour la plupart des modèles d'APN (ici baïonnette Canon) ; l'intervallomètre permet de programmer une série de prises de vues automatiques par exemple 1mn (l'APN étant réglé en "pose B") répétées N fois ou jusqu'à ce qu'on vienne l'arrêter.
Vue sous un autre angle. Nota : la pince à linge est une astuce utilisée sur les Schmidt-Cassegrain où la petite molette de mise au point (par déplacement du miroir primaire) est un peu imprécise quand manipulée directement avec les doigts. La pince à linge permet d'amplifier l'angle de rotation pour un réglage plus fin.
Prise de vue des "flats" (voir explications ci-dessous) sur une cible blanche uniforme. Pour être valable, les "flats" doivent être réalisés avec exactement le même montage optique et la même mise au point (à l'infini) que lors de la prise de vues. Donc, sauf à utiliser un système éclairé artificiellement pendant la nuit ("boîte à flats"), on attend le matin pour pouvoir les faire à la lumière du jour. Il faut donc laisser le montage en place sauf s'il est assez léger pour être porté en bloc à l'abri pour la nuit (ce que je fais en configuration "lunette" sensiblement moins lourde que le télescope).
Voilà ce que donne un "flat" (en version "brute" N/B), qu'on devrait appeler en français "PLU" (Plage de Luminosité Uniforme). On voit bien le vignettage assez fort de ce montage avec le télescope, c'est à dire le défaut optique qui rend les bords de l'image moins lumineux que le centre. Avec cette image "technique" on va pouvoir corriger ce défaut sur toutes les images brutes de la prise de vues (ainsi que d'autres liés aussi à la luminosité comme la présence de poussières sur le capteur).
A titre d'illustration, voilà le vignettage sur la 1ère image brute de la séquence. Nota : la couleur orangée du fond de ciel est typique d'une pollution lumineuse due à des éclairages aux vapeurs de sodium. Pour cette session, elle a dû se révéler à cause d'un léger voile brumeux et la faible hauteur de l'objet visé (entre 33° et 23° pendant la durée de la séquence).
En résumé, voici la façon dont les différents défauts "empilés" dans les images sont corrigées par des images "techniques" complémentaires :
- sur toutes les images il y a un "bruit de lecture électronique" du capteur formant une sorte de trame très faible et qui est éliminée en soustrayant numériquement une image corrective appelé "offset" ou "BIAS" en français ("l'offset" est composé en moyennant des images noires prises à grande vitesse qui ne contiennent pratiquement que ce défaut).
- sur toutes les images il y a un "bruit thermique" dû à l'agitation thermique du capteur qui dépend très fortement de la température et qui est réduit en soustrayant une image corrective appelée "dark" (composée en moyennant des images noires prises exactement avec le même temps de pose que les images astro et à la même température donc on les fait généralement juste après la séquence de prise de vues).
- sur toutes les images il y a des défauts de luminosité relatifs, notamment le vignettage et les poussières sur le capteur (voir ci-dessus) et qu'on peut corriger en divisant numériquement par l'image corrective appelée "flat" ou "PLU" en français (composée en moyennant des images blanches prises avec exactement la configuration optique utilisée pour la prise de vue). Pour le comprendre, imaginons qu'un pixel au centre de l'image a une luminosité de 1 alors que celui dans un angle soit à 0.8 (voir image "flat" ci-dessus). Si on divise le flat par lui-même, le centre restera à 1 (1/1) mais celui de l'angle "montera" à 1 (0.8/0.8 ). On comprend bien que la même correction sera appliqué à une image de la séquence quand on la divise par le "flat". Pour illustrer ce mécanisme voilà les courbes de luminosité des pixels sur la ligne diagonale du "flat" (les unités n'ont pas d'intérêt) :
En rouge l'image "flat" non corrigée, en bleu après la correction consistant à diviser par le "flat". D'où le nom de "flat" car on "aplatit" la luminosité sur toute l'image.
On vient de lister les trois étapes du "prétraitement" des photos astronomiques après lesquelles on doit effectuer la "registration" (corriger le défaut de suivi de la monture en recalant les images à l'aide des étoiles), puis l'addition numérique (ce qui permet d'obtenir l'équivalent d'un temps de pose beaucoup plus long, par ex. 60x1mn = 1h cumulée). A partir de là on entre dans le traitement "artistique" de l'image pour révéler au mieux les objets intéressants sans trop augmenter la luminosité du fond de ciel ou la taille des étoiles, souvent avec des logiciels comme PhotoShop (alors que le prétraitement, la registration et l'addition sont réalisés avec des logiciels spécifiques de traitement des photos astro).